Mais que
font-ils donc des heures durant?
Cette question
turlupine la maman qui dépose à la maternelle l'enfant qui fait ses premiers
pas dans son habit d'élève. Plus tard, l'interrogation se transférera à propos
de l'adolescent dont les résultats scolaires ne manifestent pas toujours une
exacte proportionnalité avec le temps passé dans sa chambre.
L'énigme est
également partagée par les enseignants qui, de gestion mentale en métacognition,
débusquent l'activité des élèves.
Mais que
font-ils donc des heures durant? Ils travaillent bien sûr! Voire…
"Travailler, c'est trop dur…"
"Travaillez, prenez de la peine…."
Devise cent fois martelée à des enfants convertis en élèves par nos ambitions
de laboureurs pédagogiques. La valeur d'une tâche scolaire serait donc étroitement
liée à son caractère ardu, voire rébarbatif, rejetant le plaisir aux oubliettes
des cartables. Mais travailler à l'école, cela doit-il nécessairement être
pénible et ennuyeux?
"M'sieur, est-ce que ça compte?"
Soupir du prof. Il vient à peine de se convaincre des vertus de l'évaluation
formative que déjà, une quasi-revendication salariale entame sa fraiche
adhésion. Le doute s'installe, soutenu par l'inconscient collectif qui,
lancinant, rappelle que "Tout
travail mérite salaire". Mais travailler à l'école, cela doit-il
nécessairement être soumis aux règles du marché?
"Avant l'heure, c'est pas l'heure, après
l'heure, c'est trop tard!" L'ouvrage scolaire serait confiné au temps
et à l'espace de la classe au point que certains veulent l'y circonscrire
décrétalement. Mais l'apprentissage se laisse difficilement cadenasser. S'il
était effectif, ce périmètre du labeur scolaire ne risquerait-il d'ailleurs pas
de générer une mentalité de "fonctionnaire" dans ce que la
représentation du terme a de plus péjoratif? Travailler à l'école, cela doit-il
nécessairement être plafonné aux 182 jours de présence scolaire?
"C'est Madame qui l'a dit!" Qui – au
moins dans les petites classes – n'a pas travaillé pour lire dans le regard de
l'enseignant l'approbation qui valorise? Nous savons bien qu'en grandissant, il
convient d'y substituer des motivations personnelles, même si celles-ci tardent
parfois à se découvrir. Certains auteurs voient dans la dépendance à l'autorité
du maitre une initiation à de futures relations professionnelles excessivement
dociles. Travailler à l'école, cela doit-il nécessairement être toujours soumis
à l'approbation de l'adulte?
Dans le fond, le
travail scolaire représente-t-il un vrai travail? Certes, l'activité de la
classe requiert l'effort et elle se réalise à l'initiative des enseignants qui
la sanctionnent par une certification. Mais ne possède-t-elle pas quelque chose
de spécifique qui la distingue d'une quelconque besogne? La nature même de
l'apprentissage – en ce qu'il donne le droit à l'erreur, par exemple – et le
temps de l'enfance – en ce qu'il donne le droit à une certaine insouciance – ne
constituent-ils pas des attributs essentiels de l'école? N'est-ce pas dénaturer
à la fois l'école et l'enfance que de leur dérober ainsi leurs propriétés? Et
comme chacun sait, "voler, c'est pas
beau!"
François TEFNIN
Editorial du N° 11
d'EXPOSANT neuf, septembre-octobre 2002.